Politique suisse

Cachez ces initiatives que je ne saurais signer

 

En ce dimanche de votations qui voit deux initiatives supplémentaires mordre la poussière, il y a fort à parier que des voix vont de nouveau s’élever contre la prolifération de ces textes.

On nous dira qu’on vote trop souvent, que les partis ont dénaturé cet outil démocratique, qu’il faut augmenter le nombre de signatures, réduire les délais etc.

Pourtant, les initiatives restent d’excellents outils à disposition de qui n’est pas en mesure d’obtenir une majorité parlementaire.
Un exemple tiré de l’actualité récente permet d’illustrer ce propos :

La Confédération a publié il y a 3 jours les chiffres relatifs à la consommation d’essence et aux émissions de CO2 des voitures neuves immatriculées en Suisse en 2014. On constate une baisse de 2,1% des émissions moyennes de CO2. Cette tendance réjouissante est destinée à se poursuivre, puisque les prescriptions sur les émissions de CO2 entrées en vigueur en 2012 fixent des émissions moyennes de 130 grammes de CO2 par Km pour 2015 (contre 142 grammes en moyenne en 2014).

Or qui est à la base de cette prescription fédérale ? Et bien figurez vous que c’est une initiative pourtant taxée d’extrémiste et nuisible, celle “pour une mobilité respectueuse des personnes” lancée  par les Jeunes Vert-e-s en 2008.

Cette initiative, qui demandait en très résumé d’interdire l’immatriculation de nouveaux véhicules trop polluants ou dangereux pour les autres usagers de la route, aurait sans doute eu de la peine à rallier une majorité du peuple et des cantons. Elle a cependant fait assez peur à une majorité de parlementaires fédéraux pour que ceux-ci décident de lui soumettre un contre-projet indirect, instaurant des objectifs contraignants en matière de réduction des émissions de CO2 pour les véhicules neufs .

Il est très probable que sans le spectre de cette initiative, les Verts et leurs alliés auraient été bien seuls sous la Coupole à défendre ces mesures.

Il existe bien entendu d’autres exemples de ce type, comme par exemple l’initiative sur le paysage, qui a grandement contribué à l’ambitieuse révision de la Loi sur l’aménagement du territoire acceptée par le peuple en mars 2013.

De là à dire qu’une bonne initiative est celle que les initiants retirent avant le vote il y a un pas que je ne franchirai pas.

Il y a en effet des cas où le Parlement ne juge pas nécessaire de préparer un contre-projet, ou soumet une version ne répondant pas aux préoccupations de celles et ceux qui ont lancé l’initiative. Dans ce cas, autant aller jusqu’au bout, même si les chances de victoires dans les urnes sont faibles.

Une campagne de votation permet de créer le débat, de susciter la discussion sur des thématiques soudain portées au centre de l’attention médiatique et populaire. À quelques rares exceptions près (je pense par exemple à l’initiative des Vert’Libéraux sur la TVA, qui a durablement plombé le débat sur la fiscalité écologique), les initiatives – mêmes perdantes- font avancer les choses. Elles poussent les opposants à faire des promesses, à annoncer réformes ou nouvelles manières de faire, à tenir en considération l’avis de la minorité favorable au projet.

Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’une cause échoue dans les urnes qu’elle n’est pas juste. Le droit de vote des femmes, refusé plusieurs fois (dont la dernière en 1959) avant d’être accepté en 1971, en est une preuve tangible.

Alors non, il n’y a pas trop d’initiatives en Suisse. Nous avons quatre fois par année la chance d’avoir des débats de société sur des thèmes aussi divers que (presque toujours) passionnants, et nous serions bêtes de nous en priver !

 

 

 

Politique suisse

Point Godwin atteint

 

Il y a quelques jours, un parlementaire romand publiait sur son blog hébergé par un célèbre hebdomadaire de la place un article dans lequel il relate une discussion qu’il aurait eu avec un fonctionnaire fédéral.

Les propos peuvent être résumés de la sorte : L’UDC est en train de se transformer en parti fasciste, et si cela continue, la Suisse deviendra dans quelques années une dictature, dominée par un “führer” (le terme est vraiment utilisé dans l’article) qui imposera ses idées à un peuple soumis.

Alors bon, j’ai beau ne pas spécialement aimer les méthodes de l’UDC, notamment dans les campagnes électorales et les votations, et n’être d’accord avec à peu près aucun point de leur programme électoral fédéral(qui nie le réchauffement climatique, soutient à fond le nucléaire, prône un repli identitaire et le tout à la bagnole), mais je pense qu’il faut quand même pas déconner !

L’UDC est un parti politique tout autant attaché à notre système démocratique que les autres partis représentés dans les parlements cantonaux et fédéral.

S’il a joué sur les peurs et les frustrations d’une partie de la population de notre pays, via des campagnes électorales au goût pour le moins douteux et aux propos parfois choquants , il n’a jamais franchi les limites imposées par la Constitution, auquel il est je crois pouvoir dire tout autant attaché que les autres forces politiques.

Par respect pour celles et ceux qui ont vécu ou vivent dans des systèmes totalitaires, des termes tels que “fasciste”, “caudillo”, “Führer”, “Conducator” etc. devraient être employés avec retenue, uniquement quand cela est nécessaire.

L’UDC n’a jamais dépassé la barre des 30% de voix au niveau fédéral, et rien ne porte à croire qu’il le fera un jour, vu que son potentiel électoral est estimé à maximum 40% de l’électorat (personnes qui votent ou qui pourraient envisager voter pour ce parti). Les échecs à répétition de l’ancien parti agrarien dans les élections à la majoritaire (que ce soit pour le Conseil des États ou dans des exécutifs communaux ou cantonaux) montrent par ailleurs que le parti crispe fortement une majorité des électrices et électeurs.

Il semble dès lors assez peu probable de voir une dictature s’installer par la voie des urnes… Et quand bien même l’UDC obtenait plus de 50% des voix, il ne s’agirait pas forcément du début d’une longue période de dictature. Dans de nombreux pays démocratiques le système électoral octroie une majorité de sièges à un seul parti, sans que cela n’amène au despotisme et à la répression des autres forces politiques.

La confrontation avec l’UDC doit avoir lieu – comme pour tout autre parti politique –  sur le terrain des idées, lors de débats, dans les parlements, les médias,  à l’occasion de campagnes électorales ou de votations, comme cela se fait dans une démocratie parlementaire.

Crier “vous gagnez et faites progresser vos idées parce que vous êtes de méchants fachos” ne va pas de nous mener bien loin, et risque au contraire de susciter une vague de sympathie pour un parti qui adore par ailleurs jouer les martyrs…

 

Politique suisse

Libéraliser les saucisses à rôtir?

 

« Légalisons les saucisses à rôtir ». C’est par ce slogan aux accents un brin surréalistes et volontairement ridicules que les partisans de la modification de la Loi fédérale sur le travail (LTr) soumise au peuple le 22 septembre prochain comptent convaincre la population.

Leur stratégie est en effet simple : faire passer ce changement législatif pour quelque chose d’anodin et logique, mettant fin à une absurdité bureaucratique qui veut que certains produits puissent être vendus 24 heures sur 24 dans les magasins des stations-services, alors que d’autres se voient retirés des étals entre 01h00 et 05h00 du matin.

Or vous imaginez bien que si l’ « alliance pour le dimanche », composée des syndicats, des partis de gauche et des Églises a récolté en un temps record les 50’000 signatures nécessaires pour un référendum, les choses ne sont pas si simples.

Actuellement, les stations-service peuvent occuper leur personnel sans autorisation spéciale 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour vendre de l’essence, mais doivent respecter les horaires de travail réguliers en ce qui concerne leurs magasins ou « shops ».  Des exceptions sont faites pour ceux situés sur les aires d’autoroute ou le long d’axes de circulation importants à forte fréquentation touristique, qui peuvent vendre des produits frais jusqu’à 1 heure du matin ainsi que le dimanche.

Les modifications sur lesquelles nous sommes appelé-e-s à nous prononcer veulent permettre à ces stations-service situées sur les grands axes ou le long d’autoroutes d’employer des travailleurs sans autorisation préalable la nuit et le dimanche. La question n’est donc pas tant de savoir si tel ou tel produit peut être vendu à 3 heures du matin, comme aimeraient le faire croire les partisans de la réforme, mais bien si des personnes doivent travailler de nuit pour les vendre, sans aucune restriction. Quand on connait les conditions de travail peu enviables du personnel de vente, la réponse semble vite trouvée. Ce d’autant plus que le critère de « forte fréquentation touristique » disparait dans la nouvelle mouture de la LTr, ouvrant la porte à une forte augmentation du nombre d’établissements pouvant appliquer le travail 24 heures sur 24…

Voter NON le 22 septembre prochain c’est donc s’opposer à une péjoration des conditions de travail dans le secteur déjà difficile de la vente de détail, au consumérisme toujours plus présent dans notre société (qui a réellement besoin d’acheter cette fameuse saucisse à rôtir à 3 heures du matin ?) mais aussi et surtout donner un signal clair à celles et ceux qui souhaitent libéraliser toujours d’avantage les horaires de travail. Les objets parlementaires sont en effet légion en la matière (élargissement des horaires d’ouverture des magasins etc.) et nul doute qu’un refus net du peuple fin septembre serait de nature à compromettre leur développement.